Biographie
Malek Chebel (1953-2016)
Né sur les rives de la Méditerranée à Skikda (qui s’appelait alors, aux dernières heures de la colonisation française, Philippeville) le 23 avril 1953, Malek Chebel, après des études secondaires au lycée de Skikda, s’inscrit à l’université Aïn El-Bey de Constantine (1973). Puis il gagne la France, grâce à une bourse accordée par le consulat de France, major de sa promotion pour son mémoire de psychologie clinique (1977).
Universitaire atypique
A Paris, où il fréquente tant les universités Paris-VII-Jussieu, Paris-V-René-Descartes et l’Institut d’études politiques, ce travailleur infatigable, d’une curiosité et d’une vivacité qui resteront sa signature, collectionne les doctorats : psychopathologie clinique et psychanalyse (1980), ethnologie (1982), sciences politiques (1984). De fait, cet universitaire atypique, par sa polyvalence comme par son implication dans la vie de la cité et le débat d’idées, s’il est dès 1995 habilité à diriger des recherches en Sorbonne, multiplie les interventions, chargé de cours et de séminaires ou conférencier, tant en Europe (Bruxelles) qu’en Amérique (Berkeley et Stanford en Californie ; UCLA à Los Angeles, Rockfeller University à New York, et Chicago) ou dans les pays arabes (Maroc et Tunisie).
Fort de ses compétences croisées, cet anthropologue est soucieux de défendre la liberté sous toutes ses formes, liberté de vivre, de penser, d’aimer aussi – avant même son essai Du Désir (Payot, 2000), l’éloge de la sensualité le conduit à proposer une Encyclopédie de l’amour en Islam. Erotisme, beauté et sexualité dans le monde arabe, en Perse et en Turquie (Payot, 1995) que prolonge un Kama Sutra arabe. 2000 ans de littérature érotique en Orient (Pauvert, 2006).
Traducteur du « Coran »
Mais si ses nombreuses publications insistent sur la volupté et le raffinement d’une culture musulmane bien peu mise en avant au tournant du XXIe siècle, sa connaissance encyclopédique de l’islam et de ses valeurs l’a conduit aussi à multiplier les anthologies et les synthèses éclairantes, des plus sévères (Dictionnaire des symboles musulmans, Albin Michel, 1995) aux plus accessibles (il cosigne ainsi en 2008 dans une collection populaire Le Coran pour les nuls et L’Islam pour les nuls, dont la terrible actualité de 2015 fit un best-seller).
S’il se fait, de livres de vulgarisation en essais personnels, le champion d’un islam des Lumières, Malek Chebel ne craint pas les sujets tabous. Depuis Le Corps en islam(PUF, 1984), on sait qu’il ne redoute aucun débat, et quand il propose une pionnière Histoire de la circoncision des origines à nos jours (Balland, 1992), s’essaie à une Psychanalyse des Mille et Une Nuits (Payot, 1996) ou révèle les pratiques d’asservissement dans le monde musulman et leur inquiétante persistance (L’Esclavage en terre d’islam, Fayard, 2007), prolongeant le maître-livre d’Olivier Pétré-Grenouilleau (Les Traites négrières. Essai d’histoire globale, Gallimard, 2004), Malek Chebel s’inscrit dans une démarche de mise à plat, loin des interdits comme des fantasmes, qui permet d’entendre l’apport de l’islam sans œillères ni parti pris.
Il est dès lors logique qu’il ait tenu à proposer une leçon nouvelle du Coran en traduisant lui-même le texte sacré. Un défi dont il vient à bout en 2009 (Fayard). Au terme d’années de labeur, la version qu’il en donne, précise et respectueuse de la lettre, fondée sur une connaissance intime de la langue arabe comme sur une expertise scientifique du monde musulman, évite les écueils d’une poétisation suspecte comme toute surenchère de néologismes. Respecter l’esprit du livre en le rendant accessible au lecteur d’aujourd’hui est une gageure qui exige une humilité que ce grand lettré rieur et malicieux, d’une élégance morale comme physique jamais prise en défaut, incarnait au mieux.
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